JEROME GUITTON – LECTURES DANS LA SOLITUDE DE L'ECRITURE

4 thèses sur cette pratique littéraire

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Les thèses qui seront développées ici ne serviront pas à constituer une théorie générale, empiriquement vérifiable, de la littérature ; elles auront, plutôt, l’ambition de fonder une pratique particulière –qui se trouve être la mienne, mais aurait pu être celle de n’importe qui.

Proposition 1: Les origines d’une pratique littéraire, issues des autres œuvres, constituent une constellation de moments rares.

Cette thèse s’oppose à l’idée que les œuvres vaudraient en tant qu’elles constitueraient des points de vue ou des expressions particulières. Pour point de départ, elle pose que la pratique littéraire se base sur des sensations de lectures, qui sont en exception des expressions et représentations.

Proposition 2: Une pratique littéraire peut se fonder sur des pratiques extérieures (e.g. mathématique, logique, politique, philosophie) pour autant qu’elles révèlent des entraves à sa logique propre.

Ce que cette thèse nie, ce que l’on puisse transposer tels quels, en littérature, des concepts qui se déploient dans des domaines étrangers. En s’appropriant ces concepts, la littérature les soumet à sa propre loi, les déforme, montrant ainsi son incapacité à les incorporer sans perte ; ce qui n’est pas une faiblesse ; plutôt le signe que la cohérence de ces mondes repose sur des lois différentes. Les plus aiguës de leurs conséquences ne sont pas solubles ; et, dans cette impuissance à les absorber, se révèlent des obstacles à notre propre pratique auxquels il faudra se mesurer.

Proposition 3: Obstacles comme moments rares sont objectivables, et peuvent être soumis à l’analyse.

Contre l’appel idéaliste à ineffable ou l’injonction critique de se taire, cette proposition suggère qu’il faut chercher dans les textes les indices de ce qu’ils permettent. Ce travail d’analyse aura deux effets : il soutiendra l’existence d’une sensation face à ceux qui n’y auront rien vu ; il donnera quelques fragiles points de départ pour des œuvres nouvelles.

Proposition 4: Une pratique littéraire se fonde sur des décisions, des principes, dont seules les conséquences valident la prise.

La seule présence de ces quatre thèses repose sur cette proposition.

Ce n’est pas de la validité en soi d’une décision qu’il faut discuter, mais bien de son effet sur l’œuvre, de ce qu’elle lui permet. Si l’on soutient par exemple que les sensations sont rares, une étude cognitive ou statistique des sensations de lecture ne nous apprendra rien pour la pratique ; au contraire, sur l’affirmation de ce principe, et sur la présence conjointe d’un filtre exigeant, une œuvre se construira fermement ou se constituera en désastre. On ne pourra pas déterminer le résultat a priori ; il faudra prendre un risque.

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